Parcours et démarche
Mon travail porte sur les processus d’apprentissage de l’individu face à l’épreuve, par la résilience et la structure des liens affectifs. À partir d'une fascination pour la trame des ikats (un procédé de tissage), un rapprochement symbolique s’est fait entre le geste du sérigraphe qui tire à lui la raclette d’encre pour imprimer et le tisserand qui tire vers lui le fil de trame du métier à tisser.
La résilience est un procédé qui permet de dépasser un traumatisme, notamment grâce à des « tuteurs de développement » ; Boris Cyrulnik ajoute que c’est une « question de tissage de liens significatifs ». Ainsi, du tissage symbolique au tissage textile, ces sérigraphies représentent un processus intime vers la guérison, à travers un engagement physique et émotionnel. Ce voyage dans la matière se réfère principalement au textile, plus exactement à la structure de la trame et au passage de la lumière entre les fils.
Les lignes de tissage qui forment un textile et évoquent mon passé de costumière soutien également de manière plus profonde ma propre démarche de guérison post- traumatique.
Observer la guérison
La démarche de ce travail révèle un dépassement de soi dans le geste contraint à la répétition. De même que dans le processus de guérison, c’est le parcours qui est mis en valeur et non uniquement le résultat.
Depuis la série Tissage et résilience, le procédé d’impression est recentré sur l’exploration d’un motif à partir d’un même dessin (typon) pour chaque série de recherche. Au lieu de graver un typon par couleur (comme dans les procédés habituels de sérigraphie), je travaille à partir du même écran gravé pendant plusieurs mois, voire plusieurs années. Ainsi, chaque monotype est la variante unique d’une matrice commune.
Le principe de répétition induit par un typon unique de lignes exprime une volonté quasi obsessionnelle de donner un sens au geste même de l’impression qui devient le sujet. On est invité à porter attention à l’exacte répartition de l’encre dans la composition : la transparence des passages, la vibration des lignes qui se chevauchent, la disparition de la couleur vers la lumière, la saturation de certaines parties de l’œuvre…
Épuration, restriction et conscience écologique
Cette volonté d’épuration des moyens mis en œuvre, est par la suite encore réduit aux couleurs produites localement et à la recherche d’alternatives durables à l’émulsion. Le processus de création retrouve avec ces balises de plus en plus contraignantes un terrain de jeu pour contourner les règles et s’exprimer librement.
La conscience écologique impose ici un esprit de curiosité et d’innovation pour détourner les procédés habituels de la sérigraphie. C’est précisément là que se situe l’essence de ma pratique : dans le paradoxe apparent entre la spontanéité du geste rapide lors de l’impression encadré par des contraintes de production déterminées ma laissant néanmoins un motif spontané émerger.
L’expérience du motif qui m’échappe la plupart du temps brise et redéfinit également les processus d’impression sériel de la sérigraphie traditionnelle.
Paradoxe de création
Là où la pratique de la sérigraphie est traditionnellement utilisée pour reproduire un dessin complexe en grande série, ma pratique propose le détournement du support pour servir le monotype selon de nouvelles règles.
Dans mon travail, la restriction des moyens favorise de manière paradoxale l’envie et l’émergence de monotypes et de pièces non reproductibles. C’est là que pour moi se situe la résilience propice à la guérison, soutenue par une intention créative de dépassement de la matière.
Chaque série explore un aspect de la variation et de la décomposition de la lumière. Ainsi, les motifs des monotypes se répondent entre eux en transportant la lumière et invitent à lâcher prise dans une contemplation poétique et immersive.
Boris Cyrulnik in La résilience ou comment renaitre de sa souffrance, 2009, p.16
Zdravechka est un surnom bulgare qui signifie “la petite Zdravka”. La zdravetz est aussi une fleur de la famille du géranium présente en Europe de l’est. On l’offre traditionnellement en signe de bonne santé.